Dans la série, "j'écris des lettres que je n'envoie pas"...
Datée du 17/11/2004 à 00h06
"Chère Mademoiselle de ...,
La gommer. En commençant par les pieds. Puis remonter, tout effacer. Les jambes, les fesses, les bras, les seins, le menton, la bouche, les yeux puis le nez. Les épaules, les cheveux. Tout faire diparaître, définitivement. Ne plus jamais la revoir, ne plus jamais entendre parler d'elle, l'éliminer. Vider mon esprit et ne jamais m'en souvenir. Oublier tout ça, oublier même de l'avoir effacée.
C'est violent, c'est définitif, c'est cruel. Mais c'est en ces termes que je pense à elle. Dire qu'elle m'a fait mal au coeur est probablement un euphémisme. Je ne la déteste pas. Non. Je ne la déteste pas, bien au contraire.
40 minutes, 14 sms et 2 mails. J'ai l'air de compter mais à ce niveau, ça n'est pas nécessaire, les souvenirs sont assez peut nombreux pour être dénombrés. C'est la somme de mes contacts avec elle sur la durée du mois écoulé. J'oublie peut-être une petite douceur sucrée. Ca n'est pas rien. C'est peu. Trop peu.
Mais elle a mieux.
Plus grand, plus fort, plus beau (même si c'est subjectif), intelligent et meilleur que moi, cinéphile, bédéphile et cultivé. Gentil, généreux. L'homme parfait en quelque sorte. S'il a quelquechose en moins, c'est ma science informatique et en matière de science-fiction. Mais depuis quand la SF et les ordinateurs interressent-ils les filles ?
Je le cotoyais, maintenant je l'évite. Le voir me fait irrémédiablement penser à elle. Et penser à elle me donne des crampes d'estomac, une affreuse envie de vomir et crée une petite boule au fond de ma gorge. Symptômes de joie probablement.
Je les ai perdu. Pour elle je n'existe qu'une poignée de secondes à la faveur de l'aube, quant à lui, il n'existe plus, il a commis un crime que j'ai moi-même organisé, je m'en veux, je lui en veux.
Si j'étais un type courageux, un type qui fait des phrases courtes, incisives qui vont droits au but, alors, je leur aurais dit à chacun ce que je pensais de tout ça.
Mais je suis un garçon lâche qui tourne autour du pot pour mieux noyer le poisson et le camoufler derrière d'interminables parenthèses.
Le matin, je lui dit bonjour à lui, je discute, je blague. A midi si je le croise, je ne l'ignore pas, et même quand, sans délicatesse, il me dit qu'un de ces prochains matins, on se verra surement parce qu'il va coucher chez/avec elle, je réponds que "d'accord, on verra", sans me départir du sourire qui jamais ne quitte mes lèvres. Pour faire comme si. Ne rien laisser paraître. Froid et détaché. Et surtout pas jaloux.
Si je la vois, nos discussions se limitent à l'énumérations des faits objectifs qui ont rythmé le laps de temps écoulé depuis notre dernière entrevue. Les bisous ont été bannis du monde réel pour intégrer le monde purement conceptuel du langage. "Bisou" dit-elle avant de disparaître pour ne réapparaître que par le fruit du hasard une semaine, un mois ou un an plus tard.
Tout deux contribuent à cette sensation diffuse que ma vie défile devant mes yeux sans queje puisses réellement en profiter. Je suis spectateur de la même représentation qui commence tous les jours à 6h sur Ouï FM et se termine à 0h20 sur MSN. Un ennui mortel.
Je passe mon temps avec Martin. Des gamins. O n'est rien de plus. Toute la journée. Et les gens nous considèrent comme tels. Des gamin. Les rigolos de service, ceux à qui on dit "arrête ! la honte !". Je ne suis plus à ça près. Et je n'ai pas de regard noir pour me fixer et m'intimer silencieusement l'ordre d'arrêter ces conneries immédiatement. J'ai essayé de m'incruster ailleurs, dans d'autres groupes mais visiblement, il n'y a de place nulle part pour moi.
Si au moins elle avait été honnête. L'ambiguité aurait pu subsister, agréablement, même si la claire non-disponiblité avait été évoquée, effleurée, que les limites avaient été fixées. Jamais je ne les aurais franchis. C'est peut-être ce que l'on aurais attendu d'un garçon véritablement amoureux, que l'amour booste son courage ou une autre connerie romantique à deux balles tout autre ineptie romantique de rigueur. Je suis un lâche, un vrai. On ne se refait pas. Surtout si personne ne vous y encourage.
Cette après-midi, on est retourné à Jussieu..."
La suite n'a pas grand intérêt et son contenu n'est que très peu anonymaïsable.
Une prochaine, bientôt.