Tout le monde est là en train de dire que la nouvelle Canopée qui recouvre les Halles est moche.
Déjà pour commencer, qu'est-ce que ça veut bien vouloir dire "moche" ? Je suis sûr que la moitié des gens interrogés trouvent aussi que Beaubourg est moche et il y a fort à parier que si on les avait interrogés au lendemain du 31 mars 1889, ces mêmes gens auraient déclarés que la Tour Eiffel défigure la capitale de leur pays millénaire (mensonge). Ensuite, c'est faux. Ça n'est pas moche. Les courbes sont fines, la perspective est travaillée, les niveaux et les espaces de circulation sont globalement harmonieux.
Le problème c'est que ça s'arrête là. Il n'y a pas dans dans la Canopée le geste attendu pour un monument parisien. C'est ça : on voulait un monument, on n'a eu qu'un centre commercial.
Il y a dans la Canopée le style et l'envergure d'une architecture de province. On a rencontré des médiathèques de sous-préfectures qui avaient plus de personnalité. La superficie couverte par la Canopée elle-même au niveau de l'esplanade est numériquement énorme et ses ventelles aériennes et aérées lui donne l'air d'une gigantesque aile d'oiseau posée délicatement sur le parc. Mais quand on se trouve effectivement dessous, point de tout ça. On est effectivement sous une aile, mais plutôt celle d'une maman poule qui cherche à vous couver, vous oppresse et vous empêche de sortir du nid.
Alors peut-être que ça n'est pas fini, que ça va arriver, mais il manque aussi à cet endroit la couche décorative qui fait que l'endroit est inscrit dans la ville. Que l'on est pas à Nantes ou à Bordeaux lorsque l'on marche aux Halles. Il y a du béton au sol. Les signalétiques sont dépourvues de personnalité. On ne retrouve aucune des couleurs habituellement dégagées par l'atmosphère parisienne (pavés, Seine, pierre de taille, zinc, vert reseda etc.) ou, à défaut, aucune tentative de proposer quelque chose qui nous sorte de la généricité la plus complète.
C'est pas moche. C'est juste très chiant.
Maintenant, reste à voir comment nous allons nous l'approprier. Comment les bandes du quartiers vont y (sur)vivre. Est-ce qu'on se donnera rendez-vous sur les marches ? Est-ce qu'il y aura des tables et des chaises de café ? Des filles en trench à frange et des barbus à lunettes carrés ? Des danseuses de hip-hop en sneakers stylées ? C'est un peu le dernier espoir : puisque les architectes n'ont pas trouvé le moyen d'ancrer ce lieu dans Paris, on espère que la population prendra le relais et qu'on échappera à la mode générique des faunes de centre commercial, identique des 4Temps de la Défense au Confluence de Lyon.