Je tente le Bradbury Challenge de Anthony, semaine 2. Cette semaine, j'ai écrit un peu n'importe quoi. J'espère que c'est un peu amusant. Ma contrainte cachée était "action/aventure".
Un rapace traversa l’immensité du ciel bleu au-dessus du pâturage d’herbes crâmées par le soleil. L’horizon se dessinait, rectiligne, à perte de vue. Pas âme qui vive à des kilomètres à la ronde. Maxime Hénaut passa la main sur son front pour assécher la source de la sueur qui coulait à grosses gouttes sur ses paupières. Il fallait avancer, toujours avancer.
Depuis cinq jours, il marchait, s’arrêtant seulement quelques heures chaque fois pour reprendre des forces et continuer à avancer, toujours avancer, guidé seulement par une légende, un on-dit glâné au hasard d’une conversation captée fortuitement à la table voisine d’une auberge de Tallin alors qu’il pensait avoir atteint une impasse dans son enquête.
Alors que ses pensées divaguaient sous le poids de la fatigue, ses jambes lui firent remarquer le début d’une déclivité dans le sol. Il était parvenu à la lisière d’une profonde dépression au milieu de la plaine, au centre de laquelle se trouvait un promontoire rocheux surplombé d’une habitation. Une villa. Le rez-de-chaussée, entièrement vitré, laissait deviner, derrière les reflets ardents du soleil, un salon aménagé dans un style moderniste minimaliste. Un étage, des murs blancs percés de fenêtres circulaires, obstruées par des rideaux sombres. Les chambres probablement. Un bureau sûrement. De nouvelles informations peut-être.
Max s’arrêta, s’accroupit et tira de son sac à dos une petite paire de jumelles tactiques. Il laissa son regard suivre la courbe de l’escalier en béton blanchi à la chaux qui montait le long du rocher vers la porte d’entrée en métal brut. Pas de mouvement a priori, mais il se répéta intérieurement que prudence est mère de sûreté. Il s’apprêtait à se relever quand un flash lumineux l’aveugla brièvement à travers l’optique. Il se jeta à plat ventre. L’une des fenêtres avaient été ouverte par un jeune homme aussi blond que les herbes dans lesquelles Max était maintenant tapi. En s’ouvrant, le vitrage avait reflété le soleil directement vers sa rétine, le privant momentanément du sens de la vue. Le visage du jeune homme était difficile à distinguer dans ces conditions. Accoudé dans l’ouverture, le geste de son bras suggérait qu’il était en train de fumer une cigarette. Mais ce visage, il n’avait pas besoin de le voir pour reconnaître de qui il s’agissait. Si Il était là, c’était que c’était bientôt fini.
L’adrénaline avait fait son œuvre et l’esprit de Hénaut était à présent sorti de la torpeur dans laquelle la monotonie de la longue marche l’avait plongé. Il passa méthodiquement en revue les différentes options qui s’offraient à lui. Son visage s'éclaira soudain. Il avait trouvé un plan. C’était risqué mais le sourire qui lui barrait le visage était la preuve qu’il avait confiance en lui. Il n’avait pas le choix de toute manière, l’Opale de Feu, il lui fallait la récupérer à tout prix. Il n’était pas arrivé jusque là pour échouer si près du but. De New-York au désert du Sahel, du cœur de l’Amazonie à Hong-Kong jusqu’à cette étape qu’il savait désormais finale au cœur de la steppe du Kazakhstan, il avait traqué les membres de la Secte Orange les uns après les autres.
Ce n’était pas le moment de se vautrer dans les souvenirs, il y aurait largement le temps de faire ça, après. Maxime rampa silencieusement jusqu’à la base de l’escarpement qui soutenait la maison, à l’opposé de l’escalier qu’il avait repéré plus tôt, profitant de l’alignement du soleil couchant pour rester hors de la vue de celui qui fumait encore à la fenêtre. Il entreprit de grimper la paroi rocheuse. L’escalade était aisée et il ne mit pas plus d’une minute à atteindre la maçonnerie carrelée qui délimitait une piscine à débordement. Il tira un petit miroir d’une poche latérale de son sac à dos pour repérer les lieux. Toujours personne en vue. L’absence de garde semblait tout de même très suspecte. A moins que l’hôte de ces lieux ne se sentît si en sécurité à mille lieues de toute civilisation qu’il ne comptait sur personne d’autre. Il est vrai que Hénaut avait pris toutes les précautions pour ne pas être repéré dans son approche : pas de véhicule, le strict minimum de métal, un silence radio absolu.
Maxime se hissa sur la terrasse. Il attrapa une petite jardinière en terre cuite et, d’un geste ample, l’envoya contre la baie vitrée de l’immense séjour à l’intérieur duquel on distinguait maintenant une télévision diffusant le flux continu d’une chaîne d’information. Le pot rebondit sur le verre blindé et s’écrasa au sol en un amalgame informe de terre et de fleurs. Des pas précipités. La fenêtre coulissa silencieusement et le blond apparut, un pistolet à la main. Il n’y avait plus personne sur la terrasse. Le blond fit quelques pas en direction des débris qui salissait sa terrasse immaculée. Quand deux brefs cris stridents émanèrent de la piscine. Le faucon qui, depuis plusieurs heures survolait la villa comprit le signal et fondit de toute sa vitesse vers l’homme armé. Ce dernier n’eut pas le temps de comprendre ce qui lui arrivait quand le rapace, de ses serres acérées, lui arracha les deux yeux avant de remonter vers le ciel orangé. Le Blond tituba une seconde encore mais ses cris d’effroi furent rapidement tus lorsqu’il chuta de tout son long dans le bassin qui se teinta rapidement de la couleur du sang. Maxime en émergea avant que le nuage pourpre ne l’atteigne.
Il pénétra dans la demeure. Un escalier démuni de rembarde menait à une mezzanine surplombant le salon. Il le gravit prudemment. En contrebas, sur le téléviseur, une polémiste à la plastique avantageuse débitait des âneries sous le regard concupiscent du présentateur. Elle était là. Dans une colonne de verre, entourée d’éclairs d’électricité violacés, se trouvait l’Opale. Les composants de silicium assemblés en ovoïde brillaient de toute l’énergie qui les traversait d’une lueur oscillant entre le bleu, le rouge et le orange, les couleurs du feu. Max avisa les objets présents. Une statuette en bronze lui sembla tout à fait appropriée pour accomplir la suite des évènements.
Le fracas du verre fut bref, l’Opale tomba au sol et sa lueur se dissipa rapidement. Hénaut était sur le point de la saisir lorsqu’il fut surpris par un cri provenant du salon. Il se releva et constata que ce cri avait été émis par la télévision. À l’écran, l’invitée s’était écroulée en direct sur le plateau de l’émission, les yeux encore ouverts et la bouche pétrifiée dans le son de sa dernière parole. Il attrapa l’Opale au sol d’un geste économe et descendit tranquillement l’escalier. L’émission s’était interrompue pour un flash spécial. Des noms de milliardaires et de leaders d’extrême-droite défilaient sur un bandeau en bas de l’écran. Alors qu’il sortait, le faucon vint se poser sur son épaule. Maxime Hénaut sourit. Il avait réussi.